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Entreprises en difficulté : la procédure d’alerte a pour finalité de préserver les dirigeants

A travers le processus d’alerte, les CAC jouent un rôle de prévention des difficultés financières des entreprises. Cette alerte constitue une réelle opportunité de redresser la situation avant qu’elle ne devienne irréversible. Explications de Vincent Reynier, vice-président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.


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Quels risques pèsent sur le dirigeant lorsque le commissaire aux comptes déclenche une procédure l’alerte ?

Vincent Reynier : Inversons la question : quels sont les risques que ne prend pas le dirigeant lorsque le commissaire aux comptes (CAC) déclenche la procédure l’alerte ? Si cette procédure est utilisée à bon escient, dans le bon timing, elle préserve le chef d’entreprise. Le dirigeant réduit alors considérablement son risque et évite des problèmes supplémentaires. Le but de la procédure d’alerte est souvent, à tort, mal perçu par les dirigeants. Ils rencontrent des difficultés de trésorerie, ils se démènent avec leur banque et leurs créanciers et ils ont alors le sentiment que le CAC « en remet une couche supplémentaire ». Ils croient faire face à une démarche coercitive qui les bride. Or, le but est de les aider à sortir d’une phase difficile et à trouver des solutions.

Quel est le rôle du CAC dans le cadre de cette procédure ?

VR : Le CAC remplit un rôle préventif. Il s’agit d'éviter au chef d’entreprise des actes de gestion inconsidérés ou des fautes qui pourraient conduire à une mise en cause de sa responsabilité civile, voire pénale, s’il poursuit une activité ruineuse. Certaines incriminations pourraient lui être appliquées alors qu’il n’a pas l’impression d’accomplir des actes répréhensibles. La plus courante est celle de non-publication des comptes. On peut citer aussi le non-respect des obligations légales ou des délais avec des fautes caractérisées telles que le non-paiement des charges ou des impôts, la rémunération déguisée avec les comptes-courants débiteurs, etc.

Le CAC a l’obligation d’interroger le chef d’entreprise sur une situation économique tendue et sur les mesures qu’il entend prendre alors que la continuité d’exploitation est compromise à un an. Cet horizon un peu éloigné est souvent mal appréhendé. A partir du moment où des doutes significatifs subsistent sur la capacité de faire face aux difficultés de trésorerie, la procédure d’alerte s’impose. Si l'on s’y prend suffisamment tôt, il est possible de s’organiser pour éviter le redressement judiciaire ou la liquidation et d’engager des mesures avec le tribunal de commerce (mandat ad hoc, conciliation, sauvegarde, négociations avec les créanciers).

La procédure d’alerte n’est pas faite pour conduire le dirigeant à prendre des risques. Celui-ci vit au quotidien les difficultés de son entreprise et, parfois, ne prend pas le temps de réfléchir aux mesures qui s’imposent à lui. Si la procédure d’alerte est déclenchée trop tardivement, il ne sera plus en mesure d’agir. A l’inverse, un déclenchement anticipé doit lui permettre de trouver des solutions aux difficultés de trésorerie qui risquent d’être fatales et qui conduiront à l'ouverture d'une procédure collective. Parfois, les difficultés financières traduisent des difficultés véritables dans l’exploitation de l'entreprise et des pertes réelles mais ce n’est pas systématique. Une forte augmentation du besoin de fonds de roulement liée à une croissance forte mal maîtrisée peut parfois paradoxalement conduire à une impasse.

A quelles incompréhensions êtes-vous confronté en pratique ?

VR : Une de nos missions est de mettre le dirigeant à l’abri. Tout est question de communication. Le formalisme imposé se traduit par l’envoi d’une lettre recommandée. En l’absence de réponse dans un court délai, le dirigeant se place dans une situation délictueuse. Il faut donc le rencontrer et lui expliquer ce formalisme en amont, prendre les précautions nécessaires afin que cette étape ne soit pas mal vécue. Au préalable, la « phase 0 » d’investigation au cours de laquelle le CAC relève des éléments, interroge oralement le chef d’entreprise, est sur ce point essentielle.

Une bonne gestion de la procédure repose avant tout sur l’accompagnement du dirigeant. Le CAC doit être pédagogue, lui expliquer le déroulement de la procédure, l’avertir et adoucir ce qui peut être vécu comme violent. En effet, la transmission au tribunal de commerce est souvent ressentie comme un traumatisme. L’accompagnement est au cœur de notre mission. J’estime que nous ne devons pas laisser le dirigeant seul face aux magistrats dont il méconnaît les réactions. Même s’il est entouré par une équipe (collaborateurs, expert-comptable et avocats), nous sommes dans notre fonction en allant au-delà de notre rôle formel pour apprécier les solutions envisagées, même si l’issue est le redressement judiciaire.

Pour éviter la procédure d'alerte, que peut mettre en œuvre un chef d’entreprise ?

VR : Selon l’activité et la taille de l’entreprise, les outils ne sont pas les mêmes pour prévoir les difficultés des entreprises. Pour les PME, la difficulté se situe à plusieurs niveaux : une activité parfois saisonnière, des variations de chiffre d’affaires significatives et l'insuffisance des outils de prévision budgétaire permettant d'avoir une vision claire des perspectives de l'entreprise afin d'anticiper les difficultés financières. Il faut inciter les PME à mettre en place des outils de prévision, parfois à l'aide d'un simple tableur Excel, dont elles sont généralement démunies. Elles doivent pouvoir connecter leurs prévisions de chiffres d’affaires et de charges à celles de trésorerie. Il y a souvent une confusion entre le résultat et la trésorerie. Certes, la trésorerie est le produit d’une exploitation mais des décalages peuvent exister selon les échéances.

En tant qu’acteur économique parmi d’autres, certes avec une autorité liée à notre mission de certification des comptes, les CAC doivent être à la portée de leurs clients. Le chef d’entreprise ne doit pas rester isolé et doit savoir que le CAC est en mesure de l’aider, surtout en l’absence d’expert-comptable.

Par Vincent Reynier, vice-président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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