La Quotidienne : En quoi consiste l’activité d’asset manager ?
Saloua Alaoui : L’asset manager est en charge d'un patrimoine constitué d'actifs immobiliers tertiaires (bureaux, commerces, hôtellerie, logistique, résidences gérées) et/ou d'habitation, qu'il gère après acquisition, pendant la période de détention et jusqu’à la cession.
Dimitri Maillard : L’asset manager se concentre sur l'optimisation et la valorisation des actifs immobiliers de son portefeuille. En fonction du type d'actif, il détermine une stratégie de nature à valoriser au mieux les immeubles qui lui sont confiés.
S.A. : L'asset manager est en quelque sorte un chef d'orchestre. Il travaille en collaboration avec tous les acteurs qui interviennent dans la gestion de l'immeuble, notamment les gestionnaires de patrimoine - qui côtoient au quotidien les locataires - et les techniciens qui le conseillent sur les travaux à réaliser pour valoriser les actifs. Il met en place une communication efficace avec et entre tous les acteurs afin que chacun lui apporte les informations nécessaires pour arrêter sa stratégie finale de gestion de chaque actif.
La Quotidienne : Quelles sont les compétences nécessaires pour exercer ce métier ?
S.A. : Etre asset manager c'est être polyvalent. Sans être spécialiste de tous les domaines de l’immobilier, il faut néanmoins avoir des compétences variées : la connaissance des baux commerciaux, des éléments techniques d'un bâtiment, la maîtrise des différentes méthodes de valorisation ainsi que des outils qui mesurent la performance financière et durable des actifs.
D.M. : Au-delà des aspects techniques, juridiques et financiers, c'est également quelqu'un qui doit aimer la pierre et l'architecture. Il doit savoir poser les bonnes questions et arbitrer une problématique en fonction des informations qu'il aura recueillies. Et ce n'est, en aucun cas, un financier déconnecté du terrain.
La Quotidienne : Dans quel cadre réglementaire l’asset manager exerce-t-il sa profession ?
D.M. : Aujourd'hui, le métier d’asset manager n'est pas une profession réglementée. Ce métier peut être exercé dans différentes structures et, en fonction, être sous le contrôle de différentes instances. Il n'existe pas de fédération des assets managers dédiés à l'immobilier. Certaines structures telles l’Association Française de Gestion ou l'Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF) cherchent à faire converger les bonnes pratiques. Chez PERIAL Asset Management, nous sommes salariés. Seule la société, qui est une société de gestion, est régulée par l'AMF. En effet, Un ensemble de dispositions législatives et réglementaires strictes, issues de la réglementation nationale et européenne, encadre la gestion pour compte de tiers. Cet ensemble évolue régulièrement au gré des transformations du métier. Toute société de gestion est réglementairement soumise à la tutelle de l’Autorité des marchés financiers (AMF).
S.A. : PERIAL Asset Management est en effet une société contrainte par un certain nombre de lois et de règlements. Nous devons respecter des ratios de capitaux propres, d'endettement et de détention. Par exemple, lorsque la société acquiert un actif, elle n’a pas le droit d'exercer une activité de marchand de biens et de le revendre rapidement en dégageant une plus-value. Nous devons gérer nos actifs en « bon père de famille », ce qui nous oblige à conserver chaque immeuble au moins 5 ans. L'AMF impose à PERIAL Asset Management de garantir à ses porteurs de parts une bonne gestion des actifs (louer les surfaces vacantes, prouver qu’elle commercialise au bon prix...).
D.M. : Sur le plan juridique, la qualité de la relation contractuelle de l’asset manager avec le locataire est primordiale. Celle-ci peut prendre la forme d’un bail commercial pour les actifs tertiaires et d’un bail civil ou d'habitation pour les actifs non tertiaires. Nous recourons surtout aux baux commerciaux, et sommes donc réglementés par le Code de commerce et parfois par le Code civil. Nous sommes également soumis aux différentes lois et leurs décrets d'application telles la loi Pinel ou encore la loi ALUR...
A noter qu’un asset manager qui monte sa propre structure pour compte de tiers doit être prudent et se conformer à la loi Hoguet. Pour acquérir, gérer et céder des actifs, il devra être titulaire d'une carte T transaction et d'une carte G gestion. Il devra également avant toute opération signer un mandat écrit avec le propriétaire de l’immeuble
La Quotidienne : Dans quel cas l’asset manager engage-t-il sa responsabilité civile professionnelle et/ou pénale ? Est-il tenu à un devoir de conseil ? Quelle en est l’étendue ?
D.M. : En qualité de salariés exerçant dans une société de gestion, nous avons une responsabilité limitée qui peut néanmoins être engagée, en particulier sur des problématiques de sécurité. Par exemple, en cas d’accident grave de personne survenu dans l'un de nos immeubles, la responsabilité pénale du chef d’établissement (en général le locataire) et du mandataire social ou gérant de la société de gestion pourrait être recherchée.
Au titre des délégations de signature et de pouvoir qui nous sont conférées par le mandataire social ou le gérant, notre responsabilité civile peut être engagée en cas de mauvaise gestion ou d’engagements non tenus. Mais cela reste très rare.
S.A. : Nous sommes tenus à un devoir de conseil envers nos locataires. Dans le cadre du bail, nous leur demandons d’attester qu'ils ont reçu les informations nécessaires pour éclairer leur consentement. Nous avons également une obligation de délivrance des locaux que nous leur louons afin que ceux-ci soient conformes à leur activité.
D.M. : Nous avons aussi un devoir d’information à l’égard de nos différentes instances et comités (conseil de surveillance, assemblée générale, comité exécutif...) ainsi qu’envers nos porteurs de parts. Nous devons être transparents et défendre au plus près leurs intérêts. Il s'agit d'une obligation de moyen et non de résultat.
La Quotidienne : Quels sont les enjeux actuels de la profession ? Comment voyez-vous son évolution dans l’avenir ?
D.M. : Nous sommes, comme de nombreux secteurs, impactés par l’explosion du digital, l’émergence des algorithmes et de l’intelligence artificielle : modélisation et construction d’immeubles avec des imprimantes 3D, visualisation de l’intérieur des immeubles grâce à des maquettes BIM, visites virtuelles et autres technologies qui bouleversent les modes de commercialisation et la gestion des immeubles.
La question environnementale est également très présente dans nos métiers. L’immobilier et en particulier le secteur de la construction sont les premiers émetteurs de gaz à effet de serre et une des industries les plus carbonées. Le Groupe PERIAL est précurseur dans ce domaine, avec la publication de son Plan Climat qui vise à décarboner son activité d’ici 2030. Tout est à inventer, ce qui nous oblige à revoir notre manière de travailler, à mettre en place des outils innovants de suivi des indicateurs de consommations de nos immeubles/locataires.
Nous sommes également concurrencés par de nouveaux acteurs qui ne sont pas propriétaires d’actifs mais qui viennent sur nos marchés, telles les sociétés de coworking. Ces nouveaux acteurs cherchent de la rentabilité et disruptent le modèle classique de détention et de gestion d’actifs immobiliers.
La Quotidienne : De quelle manière les sociétés de coworking détournent-elles le modèle classique de gestion des actifs immobiliers ?
S.A. : Ces nouveaux acteurs et ces nouvelles manières d’exploiter les immeubles nous obligent à nous poser la question de nos pratiques actuelles. Concernant les baux commerciaux, par exemple, n’est-il pas nécessaire d’en revoir la structure ? Les bailleurs n’ont-ils pas besoin de réinventer les contrats qui les lient à leurs locataires ? Aujourd’hui, les priorités des sociétés locataires ont évolué. Elles sont attentives au bien-être de leurs salariés et cherchent à les retenir tout en tentant d’attirer de nouveaux talents. Les méthodes de travail évoluent également. Un salarié doit pouvoir être nomade et se connecter n’importe où à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Les nouveaux acteurs du coworking répondent efficacement à certaines de ces évolutions, nous obligeant à nous remettre en question et à mettre en place de nouvelles pratiques pour répondre aux nouveaux besoins.
D.M. : Effectivement, les besoins changent. On estime, à terme, que le coworking représentera entre 8 et 10 % du marché total de bureaux. Les sociétés pratiquant ces activités sont positionnées sur un domaine réglementaire, juridique et financier qui n’est pas le nôtre. Voir partir un locataire tous les 2 ou 3 mois n’est pas intéressant pour nous et le bail commercial classique ne peut pas s’appliquer dans de tels cas. Aujourd’hui, nous ne sommes pas outillés juridiquement pour répondre à armes égales sur le même terrain, sauf à mettre en place des contrats de mise à disposition qui sont difficilement généralisables. Le bail commercial n’est pas amené à disparaître mais il y a une forte demande de flexibilité et d’apport de services autres telle que la mise à disposition d’espaces de services modernes et connectés (restauration, conciergerie digitale, etc.). Nous travaillons sur toutes ces nouvelles opportunités pour répondre au mieux aux demandes de nos clients.
Propos recueillis par Angeline DOUDOUX
Dimitri MAILLARD, Directeur d’actifs immobiliers, PERIAL Asset Management
Saloua ALAOUI, Responsable asset management, PERIAL Asset Management